Les industries extractives et les peuples autochtones

Le terme « industries extractives » se rapporte aux entreprises qui travaillent dans l’exploitation minière, forestière, pétrolière et gazière, ou d'autres projets qui ont des impacts environnementaux importants. Puisque de nombreuses cultures autochtones entretiennent un lien important avec le territoire et l'environnement, l'effet des industries extractives sur le mode de vie des peuples autochtones peut s’avérer dévastateur. La question est de savoir comment l’on peut utiliser le droit international en tant qu’outil pour empêcher les entreprises de détruire le mode de vie traditionnel des peuples autochtones et l'environnement naturel dont nous dépendons tous?

Bien que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ne soit pas contraignante, on estime qu’elle peut influencer les relations entre les compagnies et les peuples autochtones. Elle fournit aux peuples autochtones un outil supplémentaire pour exercer des pressions afin de défendre leurs droits. La Déclaration définit la responsabilité des gouvernements pour obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones quant aux projets qui auront une incidence sur leurs territoires ou leurs ressources. Même si la Déclaration s’adresse aux gouvernements, elle aura un impact direct sur ​​les compagnies, à plus forte raison si les gouvernements intègrent les principes de la Déclaration dans leurs lois nationales.

Les Cris du Lubicon

Le 29 avril 2011, l’oléoduc Rainbow, qui traverse le nord de l’Alberta, s’est brisé et a laissé s’échapper 4,5 millions de litres de pétrole dans l’environnement. Il s’agit du plus grand déversement de pétrole en Alberta depuis 1975. Le territoire le plus touché par le déversement est le territoire ancestral des Cris du Lubicon. La province de l'Alberta a déclaré que le déversement avait été maîtrisé et qu'il ne représenterait pas une menace pour la santé publique. Il a pourtant fallu fermer l'école à la suite du déversement, car les enseignants, les élèves et les membres de la communauté sont tombés malades53.

Les Cris du Lubicon n’avaient jamais signé aucun traité pour céder leurs terres au gouvernement canadien, et ne lui avaient pas plus donné l'autorisation d’utiliser leurs terres pour l'exploration pétrolière. Malgré cela, depuis les années 1970, le gouvernement canadien a loué environ 70 % du territoire traditionnel des Cris du Lubicon à des entreprises pour l'exploitation pétrolière et gazière. En conséquence, le peuple lubicon ne pouvait plus maintenir son économie et son mode de vie traditionnels, et il a été plongé dans la pauvreté54.

Pendant des décennies, les Cris du Lubicon se sont battus avec le gouvernement canadien en raison de revendications territoriales. Leurs principales plaintes sont que l’exploitation du pétrole et du gaz, sur leur territoire traditionnel ou à proximité, menace leur mode de vie, leur culture et la santé de leur communauté. En 1990, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a statué que le Canada violait l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en ne protégeant par les droits fonciers des Cris du Lubicon contre l'impact de l’exploitation pétrolière et gazière55. Depuis ce temps, le gouvernement canadien a été censuré à plusieurs reprises par différentes agences de protection des droits de la personne de l'ONU56. En 2010, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a présenté un rapport au Conseil des droits de l’homme dans lequel il affirme qu'il ne devrait y avoir aucune autre activité extractive sur les terres des Lubicons à moins qu’ils n’y consentent57.

Le droit national canadien

Au Canada, le principe selon lequel les gouvernements et les entreprises doivent consulter les peuples autochtones a déjà été adopté dans nos lois nationales. Dans le procès connu sous le nom de Nation haïda c. Colombie-Britannique (ministre des Forêts)58, la cour a établi que lorsque les gouvernements fédéral ou provinciaux envisagent des mesures qui pourraient porter atteinte aux droits ou aux titres fonciers des Premières nations, ils ont le devoir de les consulter et d’accommoder leurs intérêts.