L’utilisation du droit international par les peuples autochtones du Canada

Un certain nombre de groupes autochtones du Canada ont recouru au droit international pour réclamer la protection de leurs droits en vertu de plusieurs traités des Nations Unies ou de l'Organisation des États américains45.

Revendications auprès des Nations Unies

En vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui fait partie de la Charte internationale des droits de l'homme, les revendications des groupes autochtones canadiens se sont appuyées sur l'article 27, lequel stipule ce qui suit :

Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue.

En 1977, Sandra Lovelace a déposé une plainte auprès du Comité des droits de l’homme de l’ONU. Ses revendications s’appuyaient sur le Pacte et avançaient que la Loi sur les Indiens46 était discriminatoire sur la base du sexe et donc contraire au Pacte. Mme Lovelace a obtenu à sa naissance le statut d’Indienne malécite, mais, en vertu de la Loi sur les Indiens, elle a perdu son statut et ses droits47 quand elle a épousé un homme non autochtone. Or, en vertu des mêmes lois, les hommes qui se mariaient avec une femme non autochtone ne perdaient pas leur statut. Le comité a déterminé que la Loi sur les Indiens violait les droits de Mme Lovelace tels qu’ils étaient reconnus par le Pacte, car on lui refusait le droit de jouir librement de sa culture. À la suite de la décision rendue par le Comité des droits de l’homme, le Canada a modifié la Loi sur les Indiens en 1985 pour permettre aux femmes de conserver leur statut même si elles se marient ou de le retrouver si elles l’avaient perdu en raison des dispositions de la Loi sur les indiens48.

Malheureusement, les amendements apportés à la suite de l'affaire Lovelace n'ont pas complètement réglé les problèmes de discrimination inhérents à la Loi sur les Indiens. À vrai dire, les modifications apportés à la Loi sur les Indiens ont simplement repoussé de quelques générations l'effet de la discrimination, car les femmes qui ont épousé des non autochtones et leurs enfants conservent aujourd’hui le statut d’Indien, mais cela n’est pas le cas pour leurs petits-enfants. À l’inverse, les petits-enfants des hommes autochtones qui ont marié des non autochtones sont pour leur part admissibles au statut d'Indien.

En 1985, Sharon McIvor a lancé une poursuite judiciaire après qu’on ait refusé à elle et à ses enfants le statut d'Indien en vertu des nouvelles dispositions de la loi. Les grands-mères de McIvor étaient toutes deux des Indiennes inscrites au registre, mais ses grands-pères ne l'étaient pas. En 2006, après 17 ans, la cause de Mme McIvor s’est finalement rendue devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique49. La Cour était d’accord avec McIvor et a statué que la Loi sur les Indiens avait contrevenu à la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu’aux conventions internationales relatives aux droits de la personne, aux droits des femmes et aux droits de l'enfant. La Cour a déclaré sans portée ni effet l’article fautif (art. 6) de la Loi sur les Indiens, ce qui signifie qu'il est essentiellement nul et non applicable.

Le gouvernement fédéral a toutefois interjeté appel du jugement devant la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, laquelle a statué que, malgré le caractère discriminatoire de l’art. 6 de la Loi sur les Indiens, la plus grande partie de cette discrimination est justifiée50. En réponse à la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, le Parlement a proposé des modifications à la Loi sur les Indiens dans le cadre du projet de loi C-3. Or, les changements proposés n’ont pas réussi à endiguer pleinement la discrimination relative au sexe qui est présente dans la Loi sur les Indiens.

En 2009, McIvor a porté le jugement de la Cour d’appel devant la Cour suprême du Canada, mais l’appel a été rejeté. En 2010, McIvor a demandé au Comité des droits de l’homme de l’ONU de prendre sa cause en charge. Elle a déclaré : [TRADUCTION] « Beaucoup de gens au Canada, tant Autochtones que non Autochtones, reconnaissent que cette discrimination, qui persiste depuis très longtemps contre les femmes autochtones et leurs descendants, est injuste et devrait cesser. Avant moi, Mary Two‑Axe Early, Jeanette Corbière Lavell, Yvonne Bédard et Sandra Lovelace se sont toutes battues pour mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe à laquelle se confrontent les femmes autochtones en raison des dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l'inscription au registre des Indiens. Je continuerai cette lutte avec la même détermination qu'elles ont eut jusqu'à ce que les femmes autochtones jouissent de l'égalité. » Elle a présenté sa cause au Comité en 201151.

L’Organisation des États américains

Le Groupe du Traité Hul’qumi’num (Hul’qumi’num Treaty Group), une coalition de six Premières nations dont les territoires traditionnels sont situés sur l'île de Vancouver, font   actuellement appel à la Commission interaméricaine des droits de l’homme52 pour faire reconnaître la violation persistante, par le Canada, du droit des Autochtones à la propriété, à la culture, à la religion et à l’égalité devant la loi. Le Groupe réclame plus précisément de l'aide pour protéger des terres forestières qui font toujours l'objet de négociations non résolues pour en arriver à une entente. En 2007, la Commission interaméricaine a statué que les revendications territoriales du Canada n'étaient pas conformes aux normes internationales en matière de justice, mais n'a pas encore statué sur le cas du Groupe en particulier. En mai 2011, ce dernier a demandé à la Commission interaméricaine que les gouvernements fédéral et provinciaux suspendent l’industrie forestière, la vente de propriétés et l’octroi de baux d’exploitation sur ​​les territoires en  litige jusqu'à ce que la situation soit résolue.